La cession de créance : comment ça marche ?

Émettre une facture à destination d’un client pour permettre le règlement d’un service rendu fait partie du quotidien de toute entreprise. Céder cette créance à un tiers qui prendra en charge le recouvrement et prélèvera au passage une commission l’est tout autant aujourd’hui, et cette pratique présente dans les faits de vrais avantages. La cession de créance offre en effet à l’entreprise des avantages pratiques et de sécurité financière utiles à considérer. Décryptons son mécanisme et ses enjeux.

Le mécanisme de la cession de créance

La cession de créance est un mécanisme de gestion financière défini par l’article 1321 du Code civil, qui permet à une personne physique ou morale (le créancier cédant) de céder une créance à une autre personne (le cessionnaire), en contrepartie d’une commission correspondant à un pourcentage de la somme due. Ce tiers prendra alors en charge le recouvrement (auprès du débiteur cédé), susceptible d’aller jusqu’à l’action en justice si nécessaire. Le débiteur ne peut s’y opposer, sauf si ladite créance a été stipulée incessible, mais il doit avoir acté ou avoir été notifié de la cession.

La cession de créance fait donc du cessionnaire le nouveau créancier du débiteur cédé, lequel devra dès lors s’acquitter de ses obligations envers ce tiers. Attention, la cession concerne également les garanties rattachées à la créance : nantissement1 et cautionnement par exemple. Le créancier ne conserve qu’une seule responsabilité, qui concerne la validité de la créance cédée (son existence et sa bonne exigibilité) – sauf si le cessionnaire a connaissance de son caractère incertain et l’accepte.

Précisons que si cela concerne dans une large majorité des cas les relations interprofessionnelles, toutes les créances sont en principe susceptibles d’être cédées sauf disposition légale contraire. Celle-ci peut inclure les créances privées telles que des loyers, une assurance-vie, voire la cession de salaire lorsque la banque prélève directement sur le revenu à la source pour rembourser un prêt. Nous nous concentrerons ici sur la cession de factures émises par des professionnels.


Les 3 acteurs impliqués dans la cession de créance

Lors d’une cession de créance, vous retrouverez constamment :

  • Le cédant, à savoir une entreprise ayant émis une facture et qui transfère sa créance à un tiers, généralement une banque ou une société de factoring.
  • Le cessionnaire, qui récupère la créance, procède au recouvrement et se rémunère en prélevant une commission.
  • Le débiteur cédé, client du cédant, qui devra régler sa dette auprès du cessionnaire à l’échéance convenue.


La créance cédée doit être certaine, liquide et exigible

Attention, procéder au recouvrement d’une créance - avec le risque de devoir défendre ce droit devant un tribunal - implique que ladite créance soit :

  • Certaine, donc que son existence ne puisse être contestée par le débiteur ;
  • Liquide, c’est-à-dire précisément mesurable, chiffrable ;
  • Exigible sur simple demande ou porteuse d’une date d’échéance précise, pour que le cessionnaire puisse procéder à son recouvrement une fois que les délais de paiement accordés au débiteur sont arrivés à terme.

Ces trois conditions réunies sont essentielles pour que le cessionnaire puisse, de bon droit, envoyer une mise en demeure, entamer des démarches de recouvrement amiable et au besoin, lancer une procédure judiciaire.


Pourquoi céder une créance ?

Céder ses créances présente plusieurs avantages. Le premier et plus important est d’être rémunéré plus rapidement. Mais c’est aussi un moyen de mieux maîtriser sa trésorerie tout en réduisant et en gagnant en visibilité sur ses délais de recouvrement. La charge de travail des équipes est également positivement impactée. En se voyant déchargées de la responsabilité du recouvrement elles peuvent libérer du temps pour d'autres activités.

La cession de créance a un coût, mais peut également s’avérer très utile pour garantir la sécurité financière d’une entreprise. En incluant ce coût dans sa marge, cette dernière peut se protéger contre le risque d’impayé, sans réduire son bénéfice. 

La cession de créance peut être utilisée au cas par cas. En amont, toute entreprise peut tendre à sécuriser son poste client en faisant réaliser une enquête de solvabilité par un organisme spécialisé, dont le rapport précisera la santé financière, les potentiels incidents de paiement et fournira une note de fiabilité (également nommé score entreprise)

Comment formaliser une cession de créance ?

La cession de créance est un acte juridique qui, pour être valable, doit être formalisé par écrit. Le document doit préciser :

  •  L’identité du débiteur,
  • La somme due,
  • La date d’échéance.

Le débiteur doit être notifié de la cession de la créance, via une lettre recommandée ou un acte d’huissier par exemple, l’important étant que la preuve de cette notification puisse être apportée au besoin.

À noter que dans un arrêt du 14 février 2024, la chambre commerciale de la Cour de Cassation stipule que l’édition d’un bordereau de cession de créances, comportant les mentions utiles, rend la cession de créance opposable aux tiers.


Un délai de prescription de 5 ans

Bien qu’il semble suffisamment long pour permettre à un créancier de mener les démarches nécessaires, notez qu’une créance adressée à un professionnel a un délai de prescription de 5 ans (délai réduit à 2 ans pour un particulier). Au-delà, la facture impayée ne pourra faire l’objet d’un recours en justice pour être remboursée.


Savoir distinguer cession de créance et subrogation

Les deux notions décrivent la possibilité de transférer une créance à un tiers. Elles présentent toutefois des différences majeures, qui concernent :

  • Le principe du transfert, qui intervient par le biais d’un contrat de vente pour la cession de créance, tandis que la subrogation est un accessoire au paiement qui intervient à la suite d’une décision de justice ou s’appuie sur une disposition légale ;
  • Le consentement du créancier, qui doit être obtenu dans le cadre de la cession de créance, mais pas nécessairement pour la subrogation, notamment dans le cas d'une subrogation conventionnelle accordée par le débiteur ;
  • Les limites du paiement : dans la cession de créance, le cessionnaire peut exiger le recouvrement de la totalité de la créance, indépendamment du montant payé. En revanche, la subrogation personnelle est à la mesure du paiement et ne se limite qu’à la hauteur de ce qui a été payé par le tiers solvens au créancier subrogeant ;
  • Le caractère spéculatif enfin, qui existe pour la cession car le cédant recherche un profit, mais pas dans le cadre de la subrogation, où le créancier cherche simplement à être remboursé.

La cession de créance est un mécanisme qui peut s’avérer utile pour pallier un besoin de trésorerie ou sécuriser le paiement d’une facture. Son coût est toutefois à comparer à celui de l’externalisation du recouvrement de créances, qui permet de gagner du temps en confiant cette tâche délicate à une équipe de professionnels spécialisés.

[1] Contrat par lequel un débiteur affecte un bien à la garantie d'une dette, entraînant ou non, selon le cas, sa dépossession.