Le retard de paiement est un risque auquel chaque entreprise est confrontée. Si le montant de la facture est important ou en cas de répétition du phénomène, l’impact sur la trésorerie peut conduire à de vraies difficultés financières, voire mettre en péril la survie de la société. Il est primordial de bien connaître les mécanismes de réponse existant et de savoir à quel moment les mettre en œuvre. La mise en demeure de payer, qui vise à pousser le débiteur à régler sa dette en est un des principaux.
Qu’est-ce que la mise en demeure de payer ?
Il s’agit d’un acte formel par lequel un créancier demande à son débiteur de s’acquitter de sa dette dans un délai déterminé. La mise en demeure de payer constitue une sommation officielle et bien souvent, le dernier essai de résolution amiable du litige avant d’entamer une procédure judiciaire.
L’envoi d’une mise en demeure est effectué par courrier recommandé avec accusé de réception ou par l’intermédiaire d’un commissaire de justice. Le document doit répondre à un certain formalisme pour être recevable par un tribunal en tant que preuve de la tentative de recouvrement amiable. Le créancier doit ainsi indiquer :
- la date d’émission ;
- les coordonnées du débiteur, ainsi que celles du créancier ;
- la mention « mise en demeure »
- le résumé du litige ;
- le délai de règlement accordé pour payer ;
- la signature du créancier.
Attention, la mise en demeure n’est pas un titre exécutoire officiel : elle ne peut contraindre le débiteur à régler sa dette.
Mise en demeure de payer VS injonction de payer
Les deux notions sont à distinguer : la mise en demeure est une démarche amiable, qui fait également office d’avertissement. L’injonction de payer elle, appartient à la sphère des démarches judiciaires et résulte de la décision du juge. C’est un titre exécutoire permettant de missionner un commissaire de justice pour effectuer le recouvrement.
À quel moment envoyer une mise en demeure de payer ?
L’envoi d’une mise en demeure de payer dès le premier retard d’un paiement peut s’avérer contre-productif en dégradant la relation commerciale. En effet, le retard peut, dans certains cas, résulter d’un simple oubli ou d’une difficulté très passagère.
La mise en demeure de payer est donc à réserver aux manquements importants, et faisant suite à plusieurs tentatives amiables de récupérer le gain. Elle devient surtout nécessaire lorsque le débiteur ne donne pas de réponse claire quant à sa capacité à régler sa dette dans un délai court, voire ne répond plus du tout.
En pratique, un délai de 30 jours est recommandé avant l’émission d’une mise en demeure, laquelle peut être précédée de relances amiables.
Une mesure incitative efficace
Même sans effet contraignant, la mise en demeure de payer conserve un intérêt pour une entreprise rencontrant des difficultés à procéder au recouvrement d’une facture, à plusieurs niveaux :
- Elle constitue une preuve formelle que le créancier a bien tenté de recouvrer son dû par voie amiable, ce qui est exigé par le tribunal au démarrage d’une procédure judiciaire.
- La mise en demeure peut également provoquer un règlement spontané et rapide de la dette, le débiteur souhaitant s’épargner une longue et coûteuse procédure judiciaire dont il devra, le plus souvent, assumer les frais.
- Enfin, elle peut avoir un effet dissuasif pour de futures factures, le débiteur constatant que son fournisseur est prêt à mettre en œuvre tous les recours pour recouvrer ses créances.
Quelles sont les conséquences de l’envoi d’une mise en demeure ?
Plusieurs effets, d’ordres juridiques et pratiques, sont engendrés par l’envoi :
- Le début d’un nouveau délai de paiement explicite, accordé pour s’acquitter de la dette de manière amiable. Ce délai peut varier, notamment en fonction des mesures précédemment prises : si plusieurs relances amiables ont déjà été effectuées, le débiteur pourra être sommé de s’acquitter des sommes dues sous 8 jours. À défaut, un délai de 30 jours semble raisonnable ;
- L’application de pénalités de retard, qui deviennent exigibles à compter de l’envoi d’une mise en demeure si elles ont été prévues au contrat ;
- La préparation d’une action en justice, sous-entendue par l’envoi de la mise en demeure et qui peut aboutir à l’émission d’une injonction de payer par le Tribunal, laquelle permettra à un commissaire de justice d’user des moyens à sa disposition pour recouvrer de force la créance ;
Quid du délai de prescription de la dette ?
Rappelons qu’une créance commerciale peut être recouvrée dans un délai de 5 ans, avant d’être prescrite. Certaines actions interrompent ce délai, pour laisser le temps à la justice d’instruire le dossier notamment. Les causes d’interruption sont énumérées limitativement par la loi, et la mise en demeure n’en fait pas partie : elle n’interrompt nullement le délai.
La contestation reste possible
L’absence de paiement peut signifier que le débiteur estime ne pas devoir la somme réclamée. Dès lors, il pourra contester la mise en demeure au moyen d’un courrier. Cette contestation peut viser la forme de la mise en demeure, si une mention obligatoire est manquante notamment, ou sur le fond, s’il remet en question :
- L’existence même de la créance, qu’il aurait déjà payée ou estime ne pas avoir à le faire ;
- Le montant dû ;
- L’exigibilité, s’il estime qu’il dispose encore d’un délai pour régler la dette et que la mise en demeure intervient trop tôt ;
- Le délai de prescription, qui peut être dépassé (5 ans pour une dette contractée entre professionnels).
Seule une procédure judiciaire peut alors trancher le litige, grâce à l’examen par le juge des preuves fournies par les parties.
Quelles alternatives à la mise en demeure ?
Si la mise en demeure est utile dans un contexte donné et peut parfois suffire à se faire payer au moyen d’un simple courrier recommandé, elle n’en présente pas moins certains inconvénients : détérioration de la relation commerciale, absence de garantie de paiement ou encore, coût supporté en cas de recours juridique nécessaire.
D’autres moyens peuvent alors être considérés comme des alternatives à utiliser à bon escient :
- Les relances amiables, par email, courrier ou appel téléphonique
- La négociation d’un échéancier, pouvant éviter d’entrer dans une relation d’opposition et fixant un cadre pour le recouvrement dans l’esprit du prospect, tout en facilitant sa propre gestion financière par la mise en place d’un règlement fractionné de la dette.
- La médiation, laquelle peut aider à trouver un accord grâce à l’intervention d’un tiers neutre, lorsque la relation commerciale s’est dégradée.
- Le recours à une société de recouvrement, permettant de gagner du temps en contrepartie d’une commission. Il est d’ailleurs préférable de faire appel à un professionnel du recouvrement dès le départ, au moins pour les clients présentant un risque de défaillance.
La mise en demeure constitue un outil juridique utile, dont l’utilisation doit cependant être mesurée et encadrée. Rappelons également que la meilleure manière d’éviter tout litige est de commander, au démarrage de la relation, une enquête commerciale sur le client concerné, pour s’assurer qu’il n’est pas coutumier des difficultés de règlement.