L’investissement public au secours de la croissance
Après avoir été gelée par la morosité de la demande domestique et extérieure, la croissance économique repartira progressivement en 2024. L’augmentation du salaire minimum, passant de 620€ à 700€ par mois, et de la rémunération des fonctionnaires, alimentera la croissance des salaires nominaux, déjà en progression en 2023, dans un contexte tendu du marché du travail en raison de la pénurie de main d’œuvre. En conséquence, le pouvoir d’achat s’améliorera, également stimulé par la baisse des tensions inflationnistes, permettant la reprise graduelle de la consommation privée. Toutefois des freins à la demande persisteront, surtout au début de l’année, comme la dégradation de la confiance et les coûts élevés de l’emprunt. Les conditions serrées de financement continueront de peser sur l’investissement privé, alors que les entreprises feront face à des coûts d’intrants importants, en raison des prix de l’énergie et du remplacement progressif des importations de marchandises russes. La crise énergétique et le resserrement monétaire ayant pesé sur l’activité régionale, les principaux partenaires économiques de la Lettonie (Lituanie, Estonie, Allemagne) connaîtront une croissance morose, empêchant une forte reprise des exportations. Finalement, c’est l’investissement public qui contribuera le plus à la croissance grâce à l’augmentation des dépenses sociales et sécuritaires, et aux investissements en infrastructures énergétiques et de transport. Ainsi, les fonds de l’UE continueront de soutenir le développement du réseau de transport d’électricité et le projet ferroviaire européen RailBaltica, ce qui améliorera les perspectives pour le secteur de la construction.
Les déficits financés par l’Europe
Le déficit public s’est allégé en 2023 grâce à la réduction progressive des mesures d’aide énergétique. Le Budget 2024 prévoit une hausse des dépenses courantes et de capital avec l’augmentation du salaire public et l’octroi de financements pour la santé et la recherche. La défense et la sécurité intérieure seront prioritaires dans la politique gouvernementale, et obtiendront un financement additionnel de 91,9 millions d’euros. Les dépenses pour le développement d’infrastructures énergétiques et de transports seront également en hausse et l’éducation recevra plus de 119,5 millions d’euros. Néanmoins, la poursuite de la suppression des mesures de soutien aux ménages, ainsi que les réformes d’imposition, compenseront l’augmentation des dépenses, et stabiliseront le déficit public. Le gouvernement prévoit notamment la modification du régime fiscal des micro-entreprises (taux unique de 25%), des réformes sur l’imposition du revenu des sociétés financières, l’augmentation du seuil d’enregistrement de la TVA (de 40 à 50 mille euros) et la hausse des taux de différentes accises, permettant aux recettes de croître modérément. Le pays ne connaîtra pas de réelles difficultés pour financer son déficit, puisqu’il présente un faible ratio d’endettement. Il pourra compter sur des fonds européens, notamment via le plan pour la Reprise et la Résilience, accordé en 2021, et étendu en 2023. Il s’élève à 1,97 milliard d’euros pour la Lettonie, dont 42% sont dédiés aux objectifs climatiques et 23% à la transition numérique ; les cibles devant être atteintes d’ici 2026.
L’année 2023 a été marquée par la morosité des flux commerciaux européens. En 2024, les faiblesses de la croissance et de la demande des principaux partenaires commerciaux empêcheront les échanges de réellement reprendre. Ainsi, la progression des exportations (bois, céréales, matériel électronique) sera lente, et interviendra surtout en deuxième partie de l’année, avec la baisse de l’inflation en Europe. Les importations seront soutenues par l’investissement public en infrastructure et les prix de l’énergie. Si la balance commerciale est structurellement négative, le compte des services restera lui excédentaire, soutenu par les technologies de l’information et le transport.
Instabilités politiques et géopolitiques
A la suite de la démission de l’ancien Premier Ministre, en raison d’un désaccord au sein du gouvernement sur le choix d’un candidat commun à la présidence, une nouvelle coalition tripartite s’est formée en septembre 2023. Elle est dirigée par Evika Silina et se compose de trois partis hétéroclites détenant une mince majorité (52% des sièges) au Parlement : encore le parti de centre-droit La Nouvelle Unité (JV) de la Première ministre, cette fois accompagné des socio-démocrates Les Progressistes (P) et de l’alliance centriste l’Union des verts et des paysans (ZZS).
La Lettonie continue d’affirmer son soutien à l’Ukraine, le Budget 2024 prévoyant d’accorder 11,4 millions d’euros pour aider ce pays, notamment dans ses efforts de reconstruction. De plus, elle a fermé deux postes frontaliers avec la Russie en octobre 2023 et souhaite lui imposer des sanctions additionnelles à travers les importations européennes de céréales. Le pays désire affaiblir l’influence de Moscou en restreignant l’usage du russe dans l’éducation et en interdisant la retransmission de la télévision russe. Face à la menace, le gouvernement fait de la sécurité une de ses priorités, et améliore en conséquence les infrastructures frontalières, les équipements militaires et les investissements en cybersécurité. Le pays a largement diminué sa dépendance à la Russie, qui fournissait quasiment 100% de son gaz importé avant la guerre, et continue de développer de nouvelles capacités énergétiques. Le projet de parc solaire d’une capacité de 115 MW, situé au sud-ouest du pays et géré par le danois European Energy, est entré en phase finale de développement en août 2023, pour une connexion au réseau d’ici 2025. En août 2023, les trois pays baltes ont acté leur volonté de se déconnecter du système électrique BRELL, géré par la Russie, pour se brancher à celui de l’UE d’ici début 2025. En outre, la construction en cours du réseau ferroviaire RailBaltica permettra sa meilleure intégration régionale.