Alors que l’environnement macro-économique reste des plus incertains et volatil et que l’indice de risque politique et social de Coface se maintient à un niveau élevé, comment les entreprises appréhendent-elles cette situation ? Quels outils pour se développer à l’export et prévenir ces risques ?
Carine Pichon, Directrice Générale France, Europe de l’Ouest et Afrique et Jean-Christophe Caffet, Chef économiste se livrent à l’exercice de l’interview croisée dans le dernier numéro d'Informations Entreprise.
Comment Coface accompagne-t-elle les entreprises dans la gestion complexe des risques géopolitiques, sociaux et économiques ?
Jean-Christophe Caffet :
Dans le contexte actuel, les entreprises doivent impérativement surveiller de près les évolutions économiques des marchés dans lesquels elles opèrent ou souhaitent s’implanter. Cette vigilance n’est pas nouvelle, mais ce qui a changé depuis quelques années, notamment depuis le début du conflit en Ukraine, c’est le retour au premier plan du risque géopolitique. Le risque de guerre, et les sanctions qui peuvent en découler, sont désormais des réalités auxquelles les entreprises doivent faire face. À cela s’ajoutent des risques sociaux et politiques plus locaux, comme ceux observés en France lors des mouvements sociaux tels que la crise des Gilets jaunes.
Nous sommes dans une période où ces risques s’accumulent, se conjuguent, créant une situation inédite depuis plusieurs décennies. La gestion des risques doit désormais intégrer toutes ces dimensions, et ne plus se limiter à l’analyse des dynamiques macroéconomiques ou de marché. Avec des élections majeures dans plus de 70 pays, appelant la moitié de la population mondiale aux urnes, 2024 est une année charnière pour la stabilité (géo)politique, et ce alors que notre indice de risque politique et social alerte sur un environnement à haut risque et fragilisé partout dans le monde.
Comment Coface adapte-t-elle ses solutions pour répondre spécifiquement aux besoins des TPE et PME ?
Il est essentiel de noter que ce sont souvent les TPE et PME qui sont les moins bien couvertes par l’assurance-crédit, alors même qu’elles représentent plus de 87% des défaillances d’entreprises en France par exemple. Ces entreprises souffrent particulièrement des rallongements des délais de paiement. Notre dernière étude en France montre qu’ils atteignent en moyenne 45 jours pour les TPE, contre 38 jours pour les PME et 32 jours pour les grandes entreprises.
Face à ces défis, nous avons développé des solutions adaptées. Tout d’abord dans l’accès à l’information d’entreprise avec notre outil digital Urba360 qui permet d’avoir accès aux informations sur plus de 195 millions d’entreprise.
L’enjeu : permettre aux entreprises de suivre en temps réel la santé financière de leurs partenaires commerciaux – clients ou fournisseurs - et de recevoir des alertes en cas de dégradation. Cet outil, simple à utiliser, offre une visibilité immédiate sur les risques clients, pays, et sectoriels, sans avoir à souscrire un contrat d’assurance-crédit.
Nous avons également conçu EasyLiner, un produit d’assurance-crédit forfaitisé et facile à mettre en œuvre, avec une gestion effectuée en ligne. Grâce à ces solutions, notre objectif est d’aider les entreprises à naviguer sereinement dans un environnement de plus en plus complexe.
Comment l’assurance-crédit export de Coface aide-t-elle les entreprises à se protéger contre les risques d’impayés ?
Carine Pichon :
Notre force réside dans notre réseau mondial d’experts qui couvre 685 milliards d’euros d’encours et évalue 195 millions d’entreprises. En combinant des outils d’intelligence artificielle, d’automatisation et notre expertise locale, nous avons créé un maillage des risques au plus près du terrain, nous permettant d’offrir des garanties partout dans le monde. Chaque client bénéficie d’une analyse précise réalisée par des spécialistes qui comprennent les réalités et problématiques locales.
Jean-Christophe Caffet :
Cette proximité et cette capacité à ajuster les garanties et la fourniture d’informations en fonction des besoins spécifiques sont au cœur de notre approche. Cela est particulièrement important dans le contexte actuel où les défaillances d’entreprise ont partout progressé atteignant un niveau record sur les 7 premiers mois de l’année en France avec près de 40 000 défaillances enregistrées. Alors que leurs trésoreries se sont étiolées, les entreprises doivent faire face à un environnement adverse combinant hausse des coûts de financement et activité en berne. Notre ancrage local, avec des experts présents sur le terrain, offre une valeur inestimable. L’information économique que nous fournissons (risques pays, risques sectoriels, études économiques) est directement issue des marchés locaux avec des économistes présents dans les pays et assurant ainsi une pertinence et une précision maximales.
Comment Coface parvient-elle à intégrer et valoriser les nouvelles technologies ?
Carine Pichon :
Dans le cadre de notre plan stratégique Power the Core lancé en mars, nous avons mis un accent majeur sur la gestion et l’exploitation des données. Notre approche se distingue de celle de nos concurrents grâce à une utilisation sophistiquée de la data. Concrètement, nous collectons et unifions des données du monde entier pour évaluer la probabilité de défaut d’une entreprise sur un an. Cette information n’est pas seulement destinée à l’assurance-crédit, mais répond également à des besoins croissants de clients qui souhaitent mieux comprendre l’évolution de leurs chaînes d’approvisionnement ou d’autres aspects critiques de leur activité. Nous investissons massivement dans l’acquisition et le traitement de données, ainsi que dans les technologies pour offrir une réactivité maximale à nos clients. Ce cercle vertueux où l’information enrichit notre offre d’assurance-crédit et vice versa est renforcé par des technologies avancées telles que l’intelligence artificielle et le machine learning. Cela nous permet d’améliorer constamment notre capacité prédictive et d’automatiser nos décisions avec une précision accrue.
Quels sont les principaux axes de développement et d’innovation que Coface envisage pour atteindre ses objectifs ?
Carine Pichon :
Le plan stratégique Power the Core, lancé en mars 2024 marque une nouvelle étape dans notre développement, en s’appuyant sur les succès des plans précédents. Nous avons déjà consolidé une infrastructure de risques solide, optimisé nos modèles opérationnels, et posé les bases de nos services d’information. Ce nouveau plan vise à approfondir et à étendre nos capacités, en nous concentrant sur l’excellence en matière de données et de technologies. Notre ambition est claire : renforcer notre position de leader en assurance-crédit tout en poursuivant une croissance rentable à deux chiffres pour nos services d’information.
Nous sommes déterminés à construire un écosystème mondial de référence pour la gestion du risque de crédit, en investissant dans des jeux de données différenciants et en améliorant nos capacités de scoring et de connectivité pour nos clients. Ce plan s’inscrit également dans une continuité en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE), en promouvant une culture multinationale à taille humaine et responsable.
Comment Coface prévoit-elle de renforcer encore son offre de services ?
Carine Pichon :
Nous poursuivons activement le développement de nos offres d’information pour fournir des données encore plus pertinentes et améliorer constamment nos scores prédictifs. Cette amélioration continue est essentielle pour offrir une valeur ajoutée à nos clients. Par ailleurs, nous avons étendu notre gamme de services en proposant des solutions de recouvrement à l’échelle mondiale grâce à 200 experts répartis dans 70 pays et nous permettant de recouvrer en moyenne 70% des créances.
Ces services sont accessibles facilement en ligne et permettent aux entreprises de nous confier leurs créances avec une transparence totale sur le processus de recouvrement, où que soit situé leur débiteur dans le monde. Le modèle de facturation, où les clients ne règlent des commissions que sur les montants effectivement recouvrés est un atout majeur, à la fois pour les petites et les plus grandes entreprises. Ces initiatives, lancées en début d’année, se poursuivent et se renforcent en 2024, apportant des bénéfices tangibles à nos clients. Enfin, nous nous concentrons également sur l’amélioration continue de la qualité de nos services, en augmentant notre efficacité opérationnelle pour répondre plus rapidement et de manière plus précise aux besoins de nos clients.