Une croissance dépendante des industries extractives
En dépit du coup d’Etat du 30 août 2023, la croissance économique devrait se maintenir à un niveau modéré en 2023 et 2024, soutenue par la production et les exportations pétrolières (environ 40% du PIB et 64% du total des exportations), qui bénéficieront des cours élevés du pétrole au niveau mondial. Elles augmenteront grâce à la l’exploitation de nouveaux puits, notamment sur le gisement offshore Ruche/Hibiscus, où la compagnie BW Energy a rendu opérationnel un sixième puit à la mi-septembre 2023, le quatrième à avoir été mis en service sur le site cette année. L’économie profitera également du dynamisme du secteur agricole (5,5 % du PIB et environ un tiers des emplois, activité informelle incluse) lié au développement de l’exploitation du bois et de l’huile de palme. Ce secteur sera notamment soutenu par des investissements publics visant à accroître la production d’huile de palme et in fine de biodiesel, ce qui permettra également la réduction des importations de produits pétroliers raffinés. Si l’activité minière continuera de soutenir la croissance en 2023 et 2024, notamment via l’extraction et les exportations de manganèse, le secteur risque d’être négativement impacté par la baisse des IDE, le coup d’Etat ayant suscité la méfiance des investisseurs. Néanmoins, le projet d’exploitation de la mine de fer de Belinga par la société australienne Fortescue Metals Group, dont la convention avait été signée en février 2023, ne semble pas avoir été impacté par le coup d’Etat, le nouveau gouvernement mettant toutefois la priorité sur la création d’emplois nationaux. En revanche, la faiblesse des infrastructures de transport et énergétiques continuera de constituer un frein aux investissements étrangers dans le secteur. En parallèle, grâce à la préservation de ses forêts tropicales (recouvrant un peu moins de 90% de son territoire), le Gabon entend profiter de son statut d’absorbeur net de carbone en commercialisant ses crédits carbone pour un montant estimé, début 2023, à plus d’un milliard de dollars. Par ailleurs, si les prix élevés du pétrole sont favorables aux exportations, ceux des denrées alimentaires importées, dont le pays dépend fortement, entretiendra les tensions inflationnistes. Néanmoins, ces dernières devraient s’alléger en 2024 avec la baisse des prix alimentaires, l’ancrage du franc CFA à l’euro participant également à la réduction de l’inflation. Dans le sillage de la Banque Centrale Européenne, la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) pourrait ainsi mettre fin, après un possible ultime resserrement fin 2023 de 25 points de base, à la hausse de son taux directeur, qui est passé de 3,25% à 5% entre décembre 2021 et mars 2023, afin de contenir l’inflation au sein des pays de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC).
Une résurgence des déficits jumeaux
Les confortables redevances générées par les prix élevés du pétrole, une meilleure mobilisation des recettes non-pétrolières et la maîtrise des dépenses courantes ont permis l’apparition d’un excédent budgétaire en 2022. Néanmoins, la situation se détériora en 2023 et 2024 avec la résurgence d’un déficit, principalement liée à la baisse des recettes pétrolières par rapport à 2022. En parallèle, les tensions sur les dépenses du gouvernement resteront élevées, avec le maintien d’importantes subventions alimentaires et énergétiques et le coût élevé de sa masse salariale (environ 36% des dépenses). De plus, alors même que le versement de 46 millions d’USD prévu en décembre 2022 ne semble pas avoir eu lieu, vraisemblablement pour non-respect de certains objectifs fixés par le FMI, les décaissements, d’un montant cumulé de 206 millions d’USD, prévus pour 2023 et 2024, dans le cadre de la Facilité élargie de crédit de 553 millions d’USD conclue avec le FMI en 2021, pourraient être reportés dans l’attente d’un éclaircissement de la situation à la suite du coup d’Etat. Le poids de la dette publique dans le PIB devrait continuer d’augmenter suite à la réapparition du déficit, malgré la volonté renouvelée par le gouvernement de transition d’en apurer la part intérieure (40% du total) avec la mise en place du Club de Libreville réunissant les détenteurs domestiques de la dette gabonaise. Sa part externe est constituée à 35% d’eurobonds et à 32% de créances envers les multilatéraux. Si l’essor des recettes pétrolières a accru l’excédent commercial et permis de dégager un excédent courant en 2022, le tassement de ces recettes provoquera l’effet inverse en 2023 et 2024 en dépit de la baisse du prix des importations alimentaires et énergétiques. Le déficit persistant de la balance des services, en raison des compétences importées dans les secteurs du bois et des hydrocarbures, et le rapatriement des dividendes des entreprises étrangères pèsera également sur le solde de la balance courante.
Un coup d’Etat militaire à la suite de la réélection du président sortant
Le 30 août 2023, un groupe d’officiers supérieurs de l’armée a annoncé avoir pris le pouvoir, dissolvant les institutions de l’Etat gabonais et fermant les frontières. Ce coup d’Etat fait suite à la réélection controversée, le 26 août 2023, pour un troisième mandat, du président Ali Bongo Ondimba, en poste depuis 2009, suite à la mort de son père, Omar Bongo Ondimba, au pouvoir depuis 1967. L’opposition avait en effet dénoncé des fraudes orchestrées par le parti au pouvoir, tandis que les médias et observateurs internationaux s’étaient vu refuser l’entrée dans le pays. Les chefs militaires à l’origine du coup d’Etat ont déclaré qu'ils prévoyaient d'organiser des élections libres dans deux ans et qu’ils respecteraient tous les engagements du pays, tant domestiques qu’extérieurs. Le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) dirigé par son président autoproclamé et chef de la Garde républicaine, Brice Oligui Nguema, s'est également engagé à soumettre un projet de constitution à un référendum, ainsi qu’à introduire un nouveau code électoral. Le nouveau premier ministre, Raymond Ndong Sima, nommé par le Comité le 7 septembre 2023, en même temps qu’un gouvernement de transition, faisait partie de la coalition d’opposition lors des élections présidentielles et législatives contestées. Suite à sa nomination, il a annoncé vouloir mettre en place un dialogue national, au printemps 2024, qui aboutirait à la rédaction d’une nouvelle Constitution. Si la communauté internationale, a condamné le coup d’Etat, le nouveau gouvernement semble bénéficier du mécontentement généralisé de la population envers l’ancien président dans un contexte d’inflation et de corruption élevées. Par ailleurs, la condamnation de certains Etats, dont la France, est restée discrète. Le pays a néanmoins été suspendu de la Communauté des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC) et de l’Union Africaine dans l’attente d’un retour à des institutions démocratiques. Les Etats-Unis ont également annoncé, fin octobre 2023, la suspension de toute aide financière, à l’exception de leur assistance humanitaire, ainsi que dans les domaines de la santé et de l’éducation, conséquence légale de la reconnaissance du coup d’Etat par l’administration américaine. Le montant de l’assistance américaine était toutefois faible et elle envisage une reprise de l’aide en fonction des engagements qui seront pris par les autorités gabonaises en vue d’un retour à un fonctionnement démocratique. Par ailleurs, l’ancien régime et la Chine, principale partenaire commerciale et créancière bilatérale du Gabon entretenaient des relations étroites, qui perdureront sous réserve d’un contexte sécuritaire stable.