Le dynamisme minier au service de la croissance
Le taux de croissance du PIB repartira à la hausse en 2024 grâce au dynamisme minier. La production et les recettes extractives augmenteront, soutenues par les prix de l’or et du minerai de fer. ArcelorMittal Liberia compte encore accroître sa production de minerai de fer. Sa deuxième phase d’expansion soutiendra le secteur de la construction et favorisera les investissements en infrastructures, notamment de transport. L’accord signé entre le gouvernement et la société, en septembre 2021, prévoit, effectivement, la modernisation de la voie ferrée reliant la mine, proche de la frontière guinéenne, au port de Buchanan. Par ailleurs, le gouvernement devrait poursuivre ses investissements dans le développement rural, notamment en améliorant les voies routières. L’économie reposera toujours sur les secteurs agricole et forestier, dont dépend environ 60% de la population active. Les récoltes sont principalement de subsistance et dépendantes de la pluviométrie (huile de palme, manioc, riz), mais le caoutchouc, le cacao et le bois devraient conserver leurs places parmi les principaux postes d’exportation du pays. Les mauvaises récoltes asiatiques, affectées par le phénomène El Niño, ajoutées aux restrictions à l’exportation, renchériront le coût de certains aliments comme le riz, qui constitue le deuxième poste d’importation. Toutefois, l’inflation commencera à reculer sous l’effet du resserrement monétaire, la Banque Centrale du Libéria ayant relevé son taux à 20% en juillet 2023, permettant à la consommation de rebondir progressivement.
Une large dépendance vis-à-vis de l’extérieur
En 2023, malgré les dépenses « électorales », le déficit public a diminué grâce à l’assainissement budgétaire, mené dans le cadre du programme du FMI accompagné d’une Facilité élargie de crédit, assorti de la réduction de la subvention au riz annoncée en décembre 2022. Néanmoins, il devrait augmenter de nouveau légèrement en 2024, puisque la hausse des dépenses surpassera celle des recettes. Le nouveau président a promis d’améliorer les infrastructures et d’investir dans l’agriculture, tout en luttant contre la corruption. Ainsi, les achats de biens et services augmenteront pour atteindre environ 45% des dépenses, alors que l’importante masse salariale continuera de peser dans le budget (35%). Toutefois, le gouvernement verra encore ses recettes augmenter, grâce à l’afflux de redevances minières générées par le projet d’ArcelorMittal et les cours élevés. Le déficit sera financé par des prêts concessionnels multilatéraux, notamment de la part de la Banque mondiale, pour le financement de projets. Un accord de financement s’élevant à 96 millions de dollars a d’ailleurs été signé avec l’IDA (Association Internationale de Développement) en février 2023, pour la construction d’une centrale solaire en deux étapes. Cependant, le nouveau gouvernement devra financer son déficit sans l’aide de la Facilité du FMI, expirée en décembre 2023. Le poids de la dette publique, principalement extérieure (36,5% du PIB), devrait légèrement augmenter, mais son service rester modéré en raison de sa nature concessionnelle.
Le déficit courant s’est creusé en 2023 et se maintiendra en 2024, en raison des larges dépenses d’importations alimentaires, de carburants, d’équipements et de services, largement induites par l’expansion d’ArcelorMittal et le développement ferroviaire et portuaire qui en découle. Les importations seront aussi portées par la reprise graduelle de la demande privée et les investissements gouvernementaux. Les exportations bénéficieront de l’augmentation de la production et des cours favorables pour l’or, le caoutchouc et le minerai de fer, sans parvenir à renverser la tendance. Nos statistiques ne tiennent pas compte des crédits de services enregistrés par le Libéria en raison de son statut de pavillon de complaisance. Le pays représente 15% de la capacité de transport de marchandises immatriculées, faisant de lui un leader du marché mondial grâce à sa politique fiscale avantageuse. Le déficit des revenus primaires augmentera avec les rapatriements de bénéfices liés à la hausse de la production de minerai de fer. Le déficit sera financé par des IDE (9,5% du PIB), essentiellement vers le secteur extractif, et par des prêts concessionnels multilatéraux.
Le nouveau président gouvernera sans majorité parlementaire
Au cours d’une élection présidentielle très serrée en deux tours, Joseph Boakai a succédé à l’ex-footballeur George Weah avec 50,64% des voix, en novembre 2023. Il gouvernera sans majorité au parlement, car, à la suite des législatives d’octobre 2023, son parti (Unity Party) ne dispose que de 3 sièges au Sénat et de 11 à la Chambre des représentants, contre 15 et 37 respectivement requis pour détenir la majorité. Agé de 79 ans et élu pour six ans, Joseph Boakai a été vice-président du Libéria de 2006 à 2018, avant d’être battu à la précédente présidentielle. Il prend désormais la tête d’un pays marqué par la corruption et la pauvreté, touchant 34,5% de la population, et toujours fragilisé par les crises sanitaires d’Ebola et du Covid-19. Le pays continuera donc de dépendre de l’aide internationale (8% du PIB), notamment de celle des Etats-Unis, avec lesquels il continuera d’entretenir d’étroites relations. En 2023, Washington a sanctionné plusieurs navires immatriculés au Libéria pour avoir transporté du pétrole russe au-dessus du prix plafond de 60$ le baril, imposé par le G7 à la suite de l’invasion de l’Ukraine.