Ralentissement de l’activité, pénalisée par l’incertitude politique
Si l’économie a fait preuve de résilience en 2024, celle-ci s’explique principalement par les dépenses publiques et la poursuite de la reprise des exportations (aéronautique, pharmacie), dans un contexte de demande domestique atone. En 2025, l’activité ralentira, dans la lignée du dernier trimestre 2024, fortement pénalisée par l’incertitude politique et, par conséquent, économique. La demande domestique restera, au mieux, atone. Comme en 2024, les ménages pourraient enregistrer des légers gains de pouvoir d’achat, dans un contexte de salaires plus dynamiques que l’inflation. Toutefois, l’incertitude continuera de favoriser l’épargne de précaution, qui restera à des niveaux historiques, empêchant un rebond significatif de la consommation.
L’incertitude politique et fiscale, dans un contexte d’ajustement budgétaire nécessaire, aura également un impact sur le comportement des entreprises. Celles-ci devraient adopter un comportement attentiste en ce qui concerne l’investissement et les embauches, malgré la baisse des taux d’intérêt. Dans un contexte de demande toujours limitée et de poursuite de remboursement des PGE, les entreprises continueront de faire face à environnement difficile. Les défaillances resteront à un niveau élevé, après avoir dépassé la barre des 64 000 en 2024, soit quasiment 30% de plus qu’avant la pandémie. Si l’absence de majorité durable rend peu probable le vote de mesures budgétaires – et in fine une réduction des dépenses – significatives, la dépense publique ne devrait plus être un moteur en 2025. Ainsi, l’atonie de la demande domestique limitera les importations. Toutefois, le commerce extérieur ne devrait pas prendre le relais pour soutenir l’activité, du fait d’une conjoncture toujours défavorable en Allemagne et des tensions commerciales probables avec la Chine et les Etats-Unis.
Finances publiques toujours très dégradées
Après le dérapage de 2024, le déficit budgétaire restera vraisemblablement très élevé en 2025. Si l’incertitude plane autour de la possibilité d’approuver un budget 2025, l’absence de majorité solide ne devrait, quoiqu’il en soit, permettre ni baisses de dépenses significatives ou ni fortes hausses d’impôts. En l’absence de budget 2025, celui de l’année précédente sera prolongé. Dans le même temps, la charge d’intérêts continuera de croître dans le sillage des taux de financement – désormais parmi les plus élevés des principales économies de la zone euro. La dette publique continuera d’augmenter rapidement et sa soutenabilité sera l’un des principaux enjeux de l’économie française, dans un contexte défavorable d’instabilité politique.
Après s’être réduit en 2024, grâce à la baisse des prix de l’énergie et, plus généralement, de la contraction des importations, le déficit courant restera stable en 2025. Les prix du gaz pourraient être plus élevés, en raison de niveaux de stockage plus faibles en début d’année, mais ceux du pétrole devraient être plus faibles – sous réserve de non-escalade des conflits géopolitiques. L’excédent de la balance des services (1,6% du PIB), restera insuffisant pour compenser le déficit de celle des biens (-2,2% du PIB). Le déficit courant est financé par les émissions de dette ou d’actions cotées qu’achètent des non-résidents. Fin juin 2024, ceux-ci détenaient plus de la moitié des titres émis par les administrations publiques (53%), les sociétés non-financières (58%) et les banques françaises (70%).
Instabilité politique du fait d’une Assemblée Nationale plus fragmentée que jamais
Au pouvoir depuis 2017, le Président Macron, du parti de centre-libéral Renaissance, a été réélu pour un second mandat en avril 2022. S’il l’a une nouvelle fois emporté au second tour face à Marine Le Pen, du Rassemblement National (RN, extrême droite), le score a été cette fois plus serré (58,5%-41,5%, contre 66%-34% en 2017). Lors des élections législatives qui ont suivi deux mois plus tard, son parti n’a remporté que 170 sièges sur 577 à l’Assemblée Nationale. Son alliance avec deux autres partis de centre-droit ne lui ayant alors permis de rassembler que 250 sièges au total, le gouvernement a été contraint, faute de majorité, à faire adopter les budgets et les réformes sans vote de l’Assemblée Nationale mais en s’exposant à une possible motion de censure. En juin 2024, suite à la large victoire du RN aux élections européennes, le Président Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée Nationale. Les élections législatives qui ont suivi ont débouché sur une Assemblée Nationale plus fragmentée que jamais, divisée en trois blocs loin de la majorité absolue. L’alliance de gauche NFP a rassemblé 192 sièges (dont 72 pour le parti d’extrême-gauche LFI), la coalition centriste Ensemble 164 et le RN 143. Face à l’impossibilité de bâtir une majorité, après deux mois de consultation, le Président Macron a nommé comme Premier Ministre Michel Barnier du parti de droite Les Républicains (LR, 53 sièges). Tous les membres du NFP s’étant immédiatement engagés à le censurer, la survie du gouvernement minoritaire de Michel Barnier, composé de ministres Ensemble et LR, ne tenait donc qu’au soutien du RN. Il tombe finalement début décembre, après une motion de censure – la première depuis 1962 - dans le cadre du vote du budget 2025. Le 13 décembre 2024, le Président Macron nomme le centriste François Bayrou Premier Ministre.
Malgré la présence d’anciens socialistes, ministres sous François Hollande (2012-2017), le gouvernement de François Bayrou ne comporte aucun membre des partis du NFP. Ainsi, bien que - contrairement à LFI - les socialistes, les écologistes et les communistes ne se soient pas prononcés immédiatement en faveur d’une censure de ce gouvernement, cette hypothèse ne peut en aucun cas être écartée. Dans ce contexte, l’approbation d’un budget 2025 est possible, quoiqu’il en soit sans forte réduction du déficit faute de majorité pour des mesures d’ampleur, mais loin d’être garantie.
Face à cette fragmentation inédite ne permettant pas de dégager une majorité durable, le scénario d’une dissolution de l’Assemblée Nationale et la convocation de nouvelles élections législatives semble, à terme, inéluctable. Le moment exact de cette décision – qui ne pourra pas intervenir avant juillet 2025 – est incertain et dépendra vraisemblablement de la survie du gouvernement Bayrou. Au regard de la fragmentation et de la polarisation du paysage politique, il est toutefois loin d’être garanti qu’une majorité se dégagera en cas de nouvelles élections législatives. Aussi le risque d’instabilité politique restera-t-il particulièrement élevé à court terme.