Normalisation de la croissance à l’image du tourisme
En 2025, comme en 2024, la croissance économique devrait se stabiliser à un niveau modéré, en raison de la normalisation de la croissance du tourisme (55 % des exportations pour 25 % du PIB en 2023), signant la fin du rebond post-pandémique, alors que le rythme d’expansion du nombre de visiteurs marque déjà le pas. Pour autant, l’activité économique du Cap-Vert restera dynamique grâce, entre autres, au secteur de la construction, soutenu par la multiplication des projets infrastructurels dans l’immobilier (hôtels de luxe), le transport (modernisation des installations portuaires et aéroportuaires) et les énergies renouvelables (extension du parc éolien), qui mobilisent une bonne partie des dépenses d’investissement publiques (1,7 % du PIB en 2023) et privées (21,3 % du PIB en 2023), avec la participation d’agences multilatérales comme la Banque Européenne d’Investissement (BEI) ou la Banque Africaine de Développement (BAfD). La conversion progressive de la dette cap-verdienne, contractée auprès du Portugal, en un fonds environnemental (12 millions d’euros convertis sur 140 millions en 2024) permettra, elle aussi, de mobiliser des financements en faveur de la lutte contre le changement climatique, qui affecte durement l’archipel. Ce dernier, reconnu pour son climat des affaires et sa gouvernance relativement stables et prévisibles en Afrique, poursuit l’application de son plan stratégique de développement durable qui vise à renforcer la diversification de l’économie, encore largement dépendante du tourisme (balnéaire) sur quelques îles seulement malgré un potentiel bien plus large, accélérer sur la transition écologique et favoriser le développement du secteur numérique. Cela passe, par exemple, par la mise en place d’un fonds d’amorçage de 1 million d’euros pour investir dans une vingtaine de start-ups innovantes, en plus d’un prêt de 14 millions d’euros de la BAfD en 2023 pour soutenir le parc technologique du Cap-Vert. Le développement de la pêche artisanale figure aussi à l’agenda. L’inflation devrait retourner à sa cible de 2 %, à la faveur de l’assagissement des prix mondiaux des matières premières et de la modération de la hausse des prix dans la zone euro, à laquelle la devise nationale, l’escudo, reste indexée. En conséquence, la consommation des ménages (65,6 % du PIB en 2023), soutenue par les revenus touristiques mais aussi par la robustesse des transferts de la diaspora (10,5 % du PIB en 2023), demeurera une composante essentielle de la croissance dans les années à venir.
Résultats contrastés sur les déficits jumeaux
Malgré un contre-temps de façade en 2024, après la surperformance du budget en 2023 grâce à la collecte d’une importante redevance unique pour concession aéroportuaire (1,4 % du PIB), le Cap-Vert poursuit son exercice de consolidation des finances publiques, avec le soutien du FMI. En échange de cet engagement, le pays bénéficie de deux programmes – FEC (depuis juin 2022) et FRD (depuis décembre 2023) –, respectivement de 63 millions d’euros sur 36 mois (48 millions déboursés en juillet 2024) et de 31 millions d’euros sur 18 mois (7 millions déboursés). Les autorités prévoient notamment de se désengager de neuf entreprises d’État, cruciales dans l’économie cap-verdienne (gestion des aéroports, des ports, compagnie aérienne, chantiers navals, eau, électricité, télécommunications, etc.), par le biais d’une privatisation partielle ou de partenariats public-privé, précieuses sources d’économies. Les revenus devraient continuer de progresser, portés par la croissance du tourisme, alors que le gouvernement envisage une hausse des taxes sur les télécommunications et les transports mais aussi un élargissement de l’assiette fiscale. Les dépenses, elles aussi, sont attendues à la hausse, en raison d’une augmentation des dépenses sociales et d’investissement. En conséquence, le déficit public en pourcentage du PIB devrait tout de même diminuer en 2025. Malgré des besoins de financements plus élevés, essentiellement tournés vers l’étranger et presque exclusivement couverts par des prêts concessionnels, le poids de la dette publique – dont 68,9 % de dette extérieure en 2023 – devrait s’alléger par rapport au PIB, à un niveau toujours élevé mais jugé soutenable par le FMI.
Déjà en hausse en 2024, en raison du dynamisme de la croissance économique et des nombreux projets d’investissement qui favorisent les importations de biens de consommation et de construction, le déficit courant devrait se dégrader encore un peu plus en 2025 pour les mêmes raisons. La progression des recettes du tourisme et des envois de fonds des travailleurs émigrés, constitutifs de deux postes structurellement excédentaires (respectivement services et revenus secondaires), ne parviendra pas à compenser un tel creusement de la balance commerciale. Les IDE (4,6 % du PIB en 2023), inscrits au compte financier, en constante progression, contribueront largement à financer le déséquilibre de la balance courante sur la période. Tout cela devrait permettre au Cap-Vert de maintenir des réserves de change confortables, équivalentes à près de 6 mois d’importations fin 2023.
Situation politique stable malgré la cohabitation
Le Cap-Vert figure parmi les rares et stables démocraties d’Afrique. Lors des dernières élections législatives, en avril 2021, le Mouvement pour la Démocratie (MPD, centre droit) a conservé sa majorité absolue (38 sièges sur 72), reconduisant à son poste Ulisses Correia e Silva, Premier ministre en fonction depuis 2016. En revanche, l’élection présidentielle d’octobre de la même année a, quant à elle, conduit à la victoire de José Maria Neves, membre du Parti Africain pour l’Indépendance du Cap-Vert (PAICV, gauche), principal parti d’opposition, dès le premier tour. Dans ce régime semi-parlementaire, sa victoire instaure une période de cohabitation de jure, même si, dans les faits, le Président joue surtout un rôle cérémoniel dans le système parlementaire cap-verdien et ne dispose donc que de peu d’influence sur l’élaboration des politiques. En dépit de cette situation, le gouvernement a ainsi pu faire voter ses réformes à l’Assemblée, la minorité présidentielle n’ayant pas un poids suffisant pour bloquer le processus législatif. Les prochaines élections sont prévues pour 2026. Ces dernières se joueront sûrement sur la capacité du gouvernement à soutenir une croissance économique inclusive, alors que celui-ci entend éradiquer l’extrême pauvreté d’ici 2026. Encore 4,6 % de sa population vivait pourtant avec moins de 2,15 dollars par jour en 2023.
Sur le plan international, le Cap-Vert adopte un positionnement largement pro-occidental. Les États-Unis resteront un partenaire politique majeur, à l’image de la visite du secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, en janvier 2024, pour renforcer la coopération entre les deux pays, en vue d’assurer la sécurité régionale et lutter contre la piraterie en Afrique de l’Ouest. Tout comme l’Europe sur le plan économique, source importante de touristes – notamment le Royaume-Uni d’où proviennent plus d’un quart des visiteurs – et d’IDE, principalement dans le secteur touristique. Le Cap-Vert et l’UE se sont d’ailleurs entendus pour reconduire jusqu’en 2029 l’accord de pêche qui autorise l’accès aux eaux territoriales de l’archipel en échange d’une rémunération (3,9 millions d’euros sur la période). Le Cap-Vert entretient également de bonnes relations avec le Portugal, ancienne puissance coloniale, source prometteuse de financements pour l’archipel grâce à la transformation de sa dette en un fonds environnemental, alors que la montée des eaux menace son économie, et dont le Trésor garantit également une parité fixe entre l’euro et l’escudo. La Chine restera également un partenaire stratégique avec la poursuite de ses investissements dans les secteurs de la santé et du tourisme, ainsi que dans le développement d’une zone économique spéciale tournée vers l’économie bleue.