L’atonie du secteur de la construction et du secteur manufacturier pèse sur la demande d’acier
La morosité du secteur de la construction a un effet négatif sur le secteur métallurgique, et notamment l’acier. La Chine a été un moteur majeur de l'activité de construction mondiale au cours des dernières décennies, mais le pays connaît actuellement un ralentissement économique prolongé. L'indice du climat immobilier est à son plus bas niveau, et les mises en chantier sur 2024 ont chuté de moitié depuis 2019. Le gouvernement chinois prévoit de réduire la production de clinker (composant essentiel du ciment) à 1,8 milliard de tonnes en 2025, anticipant un ralentissement continu du secteur. La demande d’acier sera par conséquent, elle aussi, affecté négativement.
En Europe, bien que la demande de logement s’améliore grâce à des perspectives de taux plus favorables, les banques restent prudentes en raison des faillites et des créances douteuses. Les coûts de construction demeurent élevés, et les pénuries de main-d'œuvre continuent de limiter l’activité. L’atonie du secteur ne peut que tirer à la baisse la demande d’acier. En outre, le ralentissement de la production manufacturière freine la demande d’acier.
Enfin, aux États-Unis, la reprise attendue de la demande de logements devrait entraîner une augmentation des permis de construire en 2025, soutenue par la baisse des taux d’intérêt et l’augmentation des prix des logements. La construction de nouveaux logements résidentiels va accroître la demande en matériaux de construction, dont l’acier. Néanmoins, les récentes barrières douanières de l’administration Trump pourraient nuire au secteur métallurgique, en limitant les importations d’acier notamment.
La demande croissante en minerai pour les technologies de la transition énergétique et du numérique est désormais inexorable. L’électrification des voitures, l’expansion des énergies renouvelables (éolien, photovoltaïque, stockage), la multiplication des data centers représentent autant de canaux de croissance de la demande en minerais critiques (cuivre, aluminium, cobalt, etc.).
Selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), en fonction des scénarios envisagés pour les émissions de gaz à effet de serres (GES), la demande en minerais stratégiques sera multipliée par 2 à 3 d’ici 2030, essentiellement soutenue par la demande liée aux technologies de la transition énergétique. La demande globale de cuivre devrait croître de 40% d’ici la fin de la décennie, sachant que la part des technologies de la transition énergétique sera de 120% (la demande classique devrait en effet baisser sur la même période). Il en va de même pour le lithium, puisque la multiplication par 3 de la demande, sera le seul fait des usages liés à la transition énergétique.
En l’état, le rapport de force international penche en faveur de la Chine – qui a solidement ancrée sa stratégie industrielle dans la maitrise de la chaine de valeur minière et métallurgique. Aujourd’hui, les entreprises chinoises sont particulièrement incontournables sur le segment du raffinage. A titre d’exemple, elles assurent près des deux tiers de la production mondiale de lithium raffiné, la moitié du cuivre et plus de 80% des terres rares.
Les deux dernières décennies ont vu peu de nouvelles découvertes majeures de gisements de cuivre, alors que le coût de l'exploration a explosé, passant de 91 USD/tonne en 2011 à 802 USD/tonne en 2020. En l’état actuel, les entreprises minières ne sont pas en mesure de répondre à une croissance rapide de l’offre à moyen terme. Leurs capacités à remplacer les gisements exploités est également limitée par les longs délais de mise en production, avec des délais moyens de 18 ans pour les mines mises en service entre 2020 et 2023 – soit +40% en 20 ans.
Ces processus sont à la fois rallongés par des problématiques socio-politiques locales – environnement, communautés autochtones, nationalisations des ressources géologiques – et par l’augmentation des coûts de production liés à la complexité technique accrue des gisements à exploiter. Les investissements dans des sites opérationnels et les acquisitions restent prioritaires, mais ceux dans l’exploration et les projets vierges manquent pour éviter des déficits d'approvisionnement sur de nombreux marchés de matières premières.
Les compagnies minières doivent accélérer leur croissance tout en maintenant de hauts niveaux de rentabilité. Les conditions de financement restreinte et le contexte macroéconomique compliquent les financements. Les valorisations de marché se différencient de plus en plus, souvent en raison de portefeuilles axés sur l'approvisionnement en minéraux critiques pour la transition énergétique. Cela pousse les entreprises à restructurer leurs portefeuilles. Nous nous attendons par conséquent à une augmentation des opérations de fusion-acquisition en vue de se recentrer sur des minerais essentiels à la transition énergétique. Avec des perspectives robustes pour la demande de cuivre, on prévoit davantage de consolidation des actifs cuprifères. En témoigne l'acquisition par BHP et Lundin Mining de Filo Corp. en Argentine pour 3 Msd USD l’an dernier, après l’échec des négociations de BHP sur Anglo-American. Les entreprises minières se séparent également de certains actifs non stratégiques ou à forte croissance, comme les Métaux du Groupe Platine (MPG)
Acier – Nous prévoyons une augmentation de la production d’acier inférieure à 1% g.a en 2025 (+0,3% g.a en 2024). La production d’acier restera résiliente dans certaines économies en développement, comme en Inde, deuxième producteur d’acier mondial. Néanmoins, les facteurs de risque restent prépondérants compte tenu de la détérioration du contexte macroéconomique et des secteurs-clients (ex : construction). Le principal effet des nouvelles barrières douanières américains à l’heure actuelle a été une augmentation des importations américaines d’acier, par anticipation, ainsi qu’une augmentation des prix domestiques de l’acier. Nous prévoyons une nouvelle baisse de la consommation mondiale d'acier de 1 % g.a, après -0,2 % g.a en 2024 et une contraction de 1 % en 2023. En conséquence de quoi, nous maintenons notre prévision aux alentours des 600 USD/tonne pour 2025, en moyenne sur l’année, proche des niveaux de 2024.
Aluminium – La production mondiale d’aluminium devrait augmenter de 2% g.a en 2025, atteignant 74 ,5 millions de tonnes. En Chine, une amélioration des conditions météorologiques dans la région hydroélectrique du Yunnan devrait augmenter significativement la capacité de production mondiale. Sous l’effet de la transition énergétique et notamment de l’électrification des véhicules – l’aluminium est utilisé en tant que substitut plus léger de l’acier – la demande devrait croître de 3 à 4 % g.a. La demande d’aluminium sera également soutenue par l’industrie de l’emballage, où les producteurs cherchent à utiliser l’aluminium plutôt que des matériaux d’emballage plus traditionnels dans une démarche de durabilité. En 2025, nous prévoyons un excédent significativement plus faible qu’en 2024, à mesure que l’offre se resserre. Nous prévoyons par conséquent des prix en hausse de 5 % g.a en 2025.
Cuivre – En 2025, le marché du cuivre restera excédentaire, en raison de l'augmentation de la production en Chine et en République démocratique du Congo (RDC). La production de cuivre raffiné devrait augmenter de 3 % g.a en 2025 (+3% g.a en 2024). Nous prévoyons que la consommation mondiale de cuivre raffiné augmentera en 2025 de 2,5% g.a, respectivement, mais reste limitée par les perspectives modérées des principaux marchés. Les prix du cuivre devraient légèrement dépasser les 10 000 USD/tonne en moyenne en 2025, soit une augmentation de 8% g.a. D’un côté, les prévisions de demande liées à la transition énergétique, et le déséquilibre offre demande maintiendront les prix au-dessus de ce seuil symbolique. De l’autre, le ralentissement de la transition énergétique aux Etats-Unis sous la présidence de D. Trump, la fragilité persistante du marché immobilier chinois et les difficultés de l’industrie européenne ne devraient pas permettre une hausse plus forte des prix du cuivre.
Nickel – La production mondiale de minerai de nickel devait augmenter de 6,5 % g.a pour atteindre 3,9 millions de tonnes en 2025. Nous anticipons une croissance robuste de la production de nickel raffinés, avec une nouvelle hausse de 10 % g.a en 2025. La croissance de la production en Indonésie, principal producteur, compensera les baisses dans d'autres régions clés de production (notamment l'Australie, l'Europe et la Nouvelle-Calédonie). La demande mondiale de nickel devrait augmenter de 7% g.a en 2025 (contre 5,5% g. en 2024), soutenue par la croissance des secteurs de l'acier inoxydable et de la transition énergétique. Par conséquent, nous prévoyons que le marché du nickel restera en excédent en 2025. Le marché mondial est saturé par la production. Nous prévoyons que les prix se stabiliseront (+2% g.a), après avoir plongé de en 2024.